" Des végétaux pour un jardin facile à entretenir "
Installé à Mèze (13), Olivier Filippi s'est toujours passionné pour les plantes sauvages méditerranéennes. Longtemps fournisseur d'une clientèle avertie, aujourd'hui il s'adresse également aux amateurs adeptes d'un jardin dans lequel les besoins des végétaux sont réduits.
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Certains producteurs se passionnent pour une thématique ou un genre donné et deviennent au fil du temps des spécialistes reconnus du sujet. C'est le cas d'Olivier Filippi avec les jardins secs. Accompagné de son épouse, il parcourt les paysages méditerranéens (Espagne, Portugal, Italie, Grèce...) pour observer et étudier ces plantes qui poussent dans des conditions particulièrement arides. L'intérêt pour nos espaces verts ? Particulièrement résistantes à la sécheresse, elles ne nécessitent ni arrosage ni entretien. « Autrefois, ça ne faisait pas rêver les gens. Nous nous positionnions en tant que collectionneurs de plantes sauvages méditerranéennes à destination de jardiniers avertis. Mais aujourd'hui, les jardiniers 'normaux' veulent des végétaux faciles à entretenir et s'orientent plus volontiers vers notre gamme, par ailleurs très peu proposée par les autres producteurs. Nous cherchons ce qui pourrait séduire les jardiniers dans l'avenir. »
Le couple consacre cinq à six voyages par an, courts mais intenses, à leur passion. Ces déplacements ont pour objectif de proposer une gestion différente du jardin, en y recréant le fonctionnement des plantes dans leur milieu naturel. « Notre travail de prospection botanique consiste à analyser les cortèges floristiques à partir de plantes témoins qui nous intéressent », souligne Olivier Filippi.
- Pour avoir un jardin à entretien réduit, il faut d'abord diminuer l'arrosage, ce qui limite la présence des herbes indésirables. « En Méditerranée, les adventices germent au printemps et à l'automne en présence d'eau. Quand il n'y a pas d'eau, nous constatons qu'elles se développent beaucoup moins. » Le paillage minéral qui reproduit les conditions de développement des plantes méditerranéennes en terrain caillouteux freine également la croissance des indésirables. L'emploi de plantes à feuillage persistant permet d'établir une concurrence pour la lumière. Un quatrième paramètre permet de limiter les adventices : l'usage de plantes allélopathiques (*). Dans sa recherche d'un jardin à entretien réduit, Olivier Filippi s'y intéresse depuis une dizaine d'années et propose ainsi une gamme spécifique. Comment a-t-il élaboré cette sélection ? « D'abord par l'observation des plantes in situ : les végétaux couvre-sol qui vieillissent bien sur une vingtaine d'années ont de fortes chances de posséder des propriétés allélopathiques. » Puis une recherche bibliographique (souvent parmi les travaux menés par des laboratoires de chimie) et des tests dans son jardin expérimental permettent de valider au fil du temps ces propriétés. Étant donné l'enjeu du « zéro phyto » à partir de 2017, les plantes allélopathiques pourraient apporter une partie de la solution. D'ailleurs, le pépiniériste travaille avec des concepteurs de nouveaux cimetières (par exemple, l'extension du cimetière de Saint-Marc-Jaumegarde, près d'Aix-en-Provence, 13).
- Pour un jardin sans arrosage, Olivier Filippi propose des plantes résistantes à la sécheresse, qu'il vend au détail mais aussi partout en France et en Europe sur des chantiers paysagers. Car qui dit plantes méditerranéennes ne signifie pas forcément sensibles au froid. « Nous travaillons énormément sur cette thématique de description des végétaux, afin de les classer selon leur résistance à la sécheresse, à l'humidité et au froid. La nature du sol, la pluviométrie, l'exposition et le vent sont également des critères importants. Nous avons par exemple établi un partenariat avec le jardin botanique de Prague, en République tchèque, qui teste nos plantes dans ses conditions climatiques, froides en hiver et de plus en plus chaudes en été. L'Angleterre se penche aussi sur l'évolution de ses gammes car la pluviométrie estivale diminue. »
« Mais que signifie résistant à la sécheresse ? », s'est interrogé Olivier Filippi. Nous savons définir la résistance au froid d'une plante en indiquant des seuils minimaux de température, mais comment faire pour la résistance au manque d'eau ? Le pépiniériste a déterminé une échelle relative de zéro à six (espèces de milieux subdésertiques), qui équivaut grosso modo au nombre de mois auxquels la plante résiste. Les végétaux de comportement 1 ne supporteront que de brèves périodes de sécheresse en été, ceux de comportement 3 conviendront à un jardin sans arrosage dans le sud de la France, en conditions normales de sol et d'exposition dans les régions où la sécheresse estivale dure 3 à 4 mois.
Une plante méditerranéenne ne doit pas être arrosée. Cela semble une évidence et pourtant... « Dans le Sud, beaucoup de plantes d'espaces verts doivent survivre à la fois à la chaleur et à un arrosage régulier qui favorise les attaques cryptogamiques, d'où le recours à une palette de plus en plus restreinte. On aboutit à une homogénéisation du paysage... »
- Le jardin de démonstration, ouvert sur rendez-vous, permet d'étudier les plantes, leur comportement. Coussins végétaux, couvre-sols tapissants, arbustes créent des strates de hauteurs et de formes différentes en un mini-paysage vallonné sillonné d'allées. Le terrain argileux ne convenant pas, le pépiniériste a créé des buttes et des chemins favorisant le drainage. La faible densité de plantation permet à chaque végétal de s'exprimer et offre l'opportunité aux jeunes pousses de se développer. Cette dynamique naturelle est augmentée par le paillage minéral, qui renforce l'espèce plantée en recréant son milieu d'origine (caillouteux) tout en limitant les adventices traditionnelles. Par exemple, dans le jardin d'Olivier Filippi, un seul pied d'Euphorbia rigida et un seul pied d'Euphorbia characias ont été installés : tous les autres individus sont arrivés par semis. Le travail du jardinier consiste alors non plus à planter, mais à arracher ici et là les sujets dont il ne veut pas et à laisser se développer les autres. « Cette approche libère le potentiel créatif du jardinier amateur, puisque le paysage se construit année après année, au fur et à mesure de son évolution. » Ainsi, non seulement le jardin méditerranéen permet de s'affranchir de l'arrosage et des opérations d'entretien habituelles, mais en plus il rassure face à la peur de l'échec celui qui y travaille et s'en occupe.
- De la recherche botanique à l'élevage, en passant par la mise en place de pieds-mères et la multiplication, la pépinière est complètement autonome. Elle est menée en « zéro pesticide ». Des collerettes de coco limitent les adventices ; pour les plantes allélopathiques, elles ne sont pas nécessaires ! L'engrais biologique est apporté par surfaçage. Les pots hauts de type forestier favorisent le développement racinaire, qui prime sur l'apparence de la partie aérienne : le pépiniériste vise une bonne qualité de reprise plutôt qu'un aspect esthétique commercial. Toutes les cultures sont surélevées afin de limiter la propagation du Phytophthora. Pour pouvoir multiplier ses végétaux à partir des graines, le producteur étudie les phénomènes et les techniques de levée de dormance : par choc thermique, scarification, papier de verre, terreau fumé, froid... Ce sera d'ailleurs l'objet d'un prochain livre. Car, en plus de la production et des voyages botaniques, Olivier Filippi prend le temps d'écrire des ouvrages et d'intervenir dans des conférences, ce qui est finalement le lot de tout spécialiste. Après Un jardin sans arrosage et Alternatives aux gazons, il prépare un nouveau livre consacré à l'inspiration des paysages de garrigues (Maroc, Grèce, Italie, Espagne, Portugal...) pour une nouvelle approche des jardins méditerranéens. L'ouvrage accompagne ainsi l'évolution de l'entreprise : « Après des premières années plus difficiles, nous avons progressé régulièrement jusqu'en 2007-2008 en devenant la pépinière de référence pour une clientèle éclairée (Courson-Monteloup, 91...). Nous avons ensuite évolué vers le paysage, en travaillant sur des chantiers d'exception (Mucem, à Marseille - 13, Opéra d'Athènes, en Grèce...). Mais notre vocation est de rester une petite pépinière, avec une part importante de recherche. »
Valérie Vidril
(*) Voir le Lien horticole n° 973 du 25 mai 2016, « Allélopathie : quand une plante en chasse une autre », pp. 10-11.
Pour un jardin à entretien réduit, le pépiniériste recommande de diminuer l'arrosage, de mettre en place un paillage minéral, d'utiliser des espèces à feuillage persistant et des plantes allélopathiques.
Dans son jardin, Olivier Filippi a planté un seul pied d'Euphorbia rigida et un seul pied d'Euphorbia characias : tous les autres individus sont arrivés par semis.
Coussins végétaux, couvre-sols tapissants, arbustes créent des strates de hauteurs et de formes différentes en un mini-paysage vallonné sillonné d'allées.
De la recherche botanique à l'élevage des végétaux, en passant par la mise en place de pieds-mères et la multiplication, la pépinière Filippi est autonome.
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